Actus & évenements

Interview : Brice Asensio, un élu local qui porte l’énergie citoyenne dans l’Aude

Bonjour Brice, est-ce que tu peux te présenter, nous dire qui tu es et les collectivités dans lesquelles tu es élu ?

Je suis Brice Asensio, j’ai 40 ans passés et je suis engagé dans une démarche personnelle sur la transition environnementale. Je suis maire de Cazalrenoux, dans l’Aude. C’est une petite commune : elle compte 90 habitants sur un territoire qui en compte 16 000. J’ai engagé ma commune dans une démarche de transition environnementale et comme je voulais aller un petit peu plus loin, je me suis aussi engagé à l’échelle intercommunale. Je suis donc vice-président chargé de la transition environnementale dans la Communauté de Communes Piège-Lauragais-Malpert. Je suis aussi co-président en charge du SMICTOM et co-président en charge de la transition à l’échelle du Pays Lauragais.

Est-ce que tu peux nous expliquer la démarche de transition sur le territoire dont tu parles ?

Concrètement, l’objectif c’est répondre aux enjeux du GIEC, puisque les scientifiques nous posent une réflexion très claire : comment réduire l’impact de l’homme sur l’environnement pour éviter que d’ici une centaine d’années on ne soit plus présents. Tout cela se passe par plusieurs étapes : éduquer la population mais éduquer aussi les élus, mettre en place des actions concrètes. Ça fait trop longtemps qu’on est dans l’énumération de tout ce qu’on pourrait faire mais qu’on ne fait jamais. Donc moi j’ai pris le parti aujourd’hui de faire, et de faire vite en essayant d’être efficace.

 

Et en matière d’énergies renouvelables, et particulièrement l’énergie citoyenne, est-ce que tu peux nous en dire 2 mots ?

Ah bah là pour le coup l’engagement il va encore plus loin. Il me semble qu’on a subi pendant trop longtemps la vision de certains groupes privés sur les territoires alors que le citoyen a toute sa place dans l’investissement et le portage des projets. Pour moi en matière de production d’énergie, le principal enjeu c’est que l’argent qui est produit sur le territoire reste sur ce territoire. Il n’est pas question qu’un groupe privé arrive, se serve des énergies renouvelables pour s’enrichir et qu’il reparte en ne laissant que quelques miettes au territoire. Donc pour moi il faut qu’il y ait un juste équilibre entre le porteur du projet, les habitants et les élus.

Et dans tout ça, tu penses que le rôle de la collectivité se trouve où ?

Je pense qu’il faut que nous, collectivités, nous soyons des moteurs. Sur mon territoire, nous avons trop longtemps été spectateurs, et là on a l’occasion de se ressaisir du dossier et de reprendre le train en marche. Cela veut dire devenir acteur en termes d’investissement, dans le co-portage de projet mais aussi en tant que facilitateur. Nous avons l’opportunité de montrer à la population qu’on peut faire des choses et de l’accompagner dans le “comment faire”. Nous, nous n’en sommes qu’au tout début, on se structure, mais à termes, je pense qu’on peut être un interlocuteur privilégié sur le territoire.

Comment qualifierais-tu la maturité de la Communauté de Communes Piège Lauragais Malepère sur les ENR ?

On débute. Cela fait 1 ans que j’ai pris la place de Vice-président. Avant il n’y avait pas d’argent, aujourd’hui il y a une chargée de mission. Avant nous n’avions pas de budget, aujourd’hui nous avons un budget. On a défini des grands axes de travail, une mission claire. On a réussi à mettre en place une politique. En ce moment, on est en train de sensibiliser et former les élus. On se rend bien compte qu’il faut qu’ils montent en compétences sur ces sujets. Et à termes, notre objectif c’est de se doter d’une charte pour encadrer le déploiement des ENR, pour qu’il y ait une vision commune de ce qu’on veut et de ce qu’on ne veut pas sur notre territoire.

Atelier d'écriture de la charte énergies renouvelables - CCPLM

Aujourd’hui vous prenez à bras-le-corps le sujet des énergies renouvelables et particulièrement les énergies citoyennes, à ton avis qu’est-ce qui peut faire que ça va marcher et que la démarche va être une réussite ?

C’est une question assez compliquée, mais je pense que c’est surtout une question de volonté. Ça tient principalement aux personnes qu’il y a sur le territoire. À partir du moment où une personne arrive à mobiliser deux autres et qu’on trouve un groupe cohérent qui va vouloir rester sur ce sujet, alors on y arrivera. Je pense que l’environnement n’est toujours pas compris comme un enjeu qui peut apporter du positif. C’est encore perçu comme une contrainte. Moi, j’ai grandi dans un environnement rural et agricole où à chaque fois qu’on posait cet enjeu d’environnement, c’était inscrit comme une contrainte aux agriculteurs et une contrainte pour la population. Je pense qu’il faut qu’on sorte de ce cadre là. Il faut qu’on arrive à se dire que si on agit pour l’environnement, c’est qu’il y a un intérêt pour le territoire. C’est ce qu’on n’a jamais présenté aux gens. C’est pour ça qu’il faut que cet aspect citoyen apparaissent.

Moi je me souviens quand les premières éoliennes sont arrivées sur le territoire, du côté de Conques-sur-Orbiel, il y avait 10 éoliennes. Moi, je trouvais ça beau, je trouvais ça grandiose. Mais ce n’était pas du tout ce que pensait la population qui, elle, a vécu ça comme défiguration du territoire. Après ça, ça appartient aux gens. Mais c’est aussi parce qu’on ne leur a pas expliqué les enjeux du renouvelable, on ne leur a pas expliqué les retombées économiques. C’est pour ça qu’il est important que les gens se réapproprient tout ça et qu’ils le comprennent. Et pas comme spectateur mais comme acteur.

Et pour toi, personnellement, qu’est-ce qui a créé un déclic et qui t’a fait t’engager dans ce domaine en tant qu’élu ?

Je pense que la fibre je l’ai depuis toujours. Mais je n’ai pas toujours été un grand militant de la cause. Il y en a qui, tous jeunes, prennent les armes et vont se battre pour l’environnement. Moi ça se construit au fur et à mesure. Je ne pense pas qu’il y ait eu un déclic. Mais c’est vrai que quand tu deviens maire et que tu as l’opportunité d’agir sur ton territoire, c’est un peu plus facile que quand tu es tout seul dans ton coin. Tu as la possibilité de faire comprendre l’enjeu, de l’expliquer aux autres, et de mettre en place des actions concrètes.
Moi, ce que je me pose surtout comme question, c’est ce qu’on va laisser à nos gamins. Comment les gamins vont nous juger sur ce qu’on a fait ? Nous, on savait, on avait les outils, on avait l’argent, et on n’a rien fait. Nos grands-parents et nos parents avaient vécu des choses : que ce soient des guerres ou la période des trente glorieuses. Ils ne se posaient pas la question. Mais nous, on le sait et on le voit  -puisqu’on commence concrètement à voir les conséquences de tout ça-et on préfère fermer les yeux et regarder ailleurs.

Dans ta démarche en tant qu’élu, est-ce que tu te sens accompagné ? Est-ce que tu arrives à trouver des complices ? Ou est-ce que tu te sens un peu seul parfois ?

Il y a un peu des deux. Il y a plein de moments où je me sens vraiment tout seul parce qu’il y a un décalage entre ce que moi je perçois du territoire et ce que les autres élus perçoivent. Et en même temps j’ai rencontré des gens comme vous à ECLR, ce qui fait qu’on se sent beaucoup moins seul. On parle la même langue, même si on n’est pas toujours d’accord sur tout. Mais parfois je suis en réunion avec des élus et je me dis “quand est-ce qu’on va enfin comprendre que c’est maintenant qu’il faut agir ?”. Ça fait 30 ans qu’on sait que le climat se réchauffe et qu’est-ce qu’on a fait en 30 ans à part dire qu’il fallait faire quelque chose ? Donc je suis encore souvent heurté parce qu’on n’est toujours pas dans l’action.

Quelles sont les initiatives sur ton territoire ou en dehors qui t’inspirent ?

Moi, tout ce qui est bénéfique m’intéresse. Il y a 3 jours je suis allé marcher avec des gens pour nettoyer un parc à Bram. Récemment, je suis allé voir une exposition proposée par une plasticienne autour des déchets plastiques. Tout ce qui va dans le bon sens m’intéresse. Je pense qu’il ne faut pas se concentrer sur une seule chose parce que sinon on passe à côté de trop de gens. À chaque fois que quelqu’un va faire quelque chose qui peut interpeller les gens, qui peut les faire sortir un peu de leur zone de confort, moi je suis preneur.


Merci Brice pour ton témoignage qui pourra, peut-être, faire écho ou inspirer d’autres élus.

Calzalrenoux, Aude. Crédits photos : Jcb-caz-11

Pour suivre une actu ECLRée
sur la transition énergétique citoyenne en Occitanie