Timothée, sociétaire de Céléwatt
Bonjour Timothée, peux-tu nous présenter Céléwatt en quelques mots ?
Céléwatt est une coopérative citoyenne qui a pour objectif de créer une grappe de parcs solaires citoyens autour de la vallée du Célé, dans le Lot (46) .Ce sont des parcs au sol de 250 kWc qui produisent de l’électricité pour environ une centaine de foyers, soit à peu près le besoin de nos petits villages lotois. Nous comptons aujourd’hui 470 sociétaires dont 97 % sont des personnes physiques pour les 2/3 du Lot et du proche Aveyron. C’est donc un projet vraiment citoyen et local !
En 2018, CéléWatt a construit son 1er parc dans le village de Brengues. C’était un terrain en friche qui aujourd’hui accueille des panneaux solaires et, quelques semaines par an, des brebis. Forts du succès du premier parc, nous nous sommes lancés dans la construction d’un deuxième parc sur la commune de Carayac. Ainsi nous avons décidé d’innover en remplaçant les poteaux d’acier galvanisés sur lesquels reposent les panneaux par des en poteaux de bois de chêne de Causse.
Ce parc solaire sera le 1er en France monté sur supports en bois brut !
En effet, nous aimerions quelques précisions sur ce dernier projet innovant ! D’abord rapidement, quand et comment avez-vous eu cette idée ?
A l’automne 2019, le projet Carayac était déjà dans les tuyaux ! Bertrand DELPEUCH, président de CéléWatt, voit dans un magazine belge la photo d’ombrières sur poteaux de bois. Au même moment il entend parler de bois près de chez lui, des poteaux en chêne prêts à partir comme pieux pour l’élevage de moules en Charente-Maritime. Il teste alors l’idée auprès Mécojit, notre constructeur, en leur proposant de faire une ligne test sur bois brut et le reste sur acier. Les ingénieurs enthousiastes (et un peu fous!) de Mécojit acceptent et proposent de faire tout le parc sur poteaux de bois brut. C’est comme cela que l’aventure s’est lancée !!
Chêne du Causse vous dites ? Il a quoi de s’y particulier ce bois au juste ?
Le bois utilisé est le chêne du Causse. Il a été choisi pour sa solidité (pousse lente et espèce endémique), sa proximité et sa disponibilité (très peu utilisé sauf pour le chauffage et les bouchots). La coupe a été menée avec particulièrement d’attention pour une gestion forestière durable. Quelques centaines d’arbres seulement ont été prélevés sur une forêt de 100 000 arbres et le débardage a été fait à l’épaule (sans tassement de sol dû aux machines, ni ouverture de sentiers). La coupe est donc quasi-invisible.
Mais ces poteaux en bois, quelle durée de vie ont-ils?
Effectivement, la grande question que tout le monde se pose est relative à la tenue dans le temps de ces poteaux. Mécojit s’est sérieusement penché dessus. Leur idée : faire le meilleur support possible mais anticiper les éventuelles attaques pour les résoudre simplement. Ils ont conçu donc un prototype qui utilise toute la solidité du bois, qui évite les pièges à eaux et qui évite le contact avec le sol. Ils ont également prévus des changements de supports possible sans avoir besoin de toucher à l’ensemble de la structure porteuse. En parallèle, CéléWatt a négocié avec Mécojit des garanties solides en cas de problème. La relation de confiance n’empêche pas les précautions contractuelles qui sont indispensables sur des projets d’aussi long terme.
Quelles sont vos principaux partenaires pour la réalisation de ce projet ? Comment avez-vous travaillez avec eux ? Avez-vous participé à la conception à la conception des structures de bois ?
Une des volontés de CéléWatt est de soutenir l’emploi local et qu’il soit réalisé dans de bonnes conditions. Après devis comparatifs, Mécojit, société basée à Capdenac-Gare (Aveyron, 12), a été choisie pour construire et faire la maintenance du 1er parc. La satisfaction qu’on a retiré de leur travail et la relation de confiance qui s’est nouée tout au long de ces 3 ans, a permis au projet Mécowood de voir le jour.
Le prototype Mécowood, créé par Mécojit, constitue le cœur de l’innovation. Mécojit en a fait la conception et gère aujourd’hui la réalisation en s’entourant d’une petite dizaine d’entreprises locales pour les appuyer. C’est notamment l’entreprise locale le Petit Chêne Noir qui a coupé et débardé le bois issu d’une forêt située à 30 km du parc.
De notre côté, nous avons pris soin à chaque étape de trouver une entreprise locale (notaire, clôture, préparation du terrain…).
Notre axe de progrès sont les panneaux eux-mêmes qui sont assemblés en Chine. Mais, pour l’instant, il n’y a pas d’alternative vraiment intéressante (voir l’article « photovoltaïque made in France« ) :
- sur l’aspect environnement, le bilan carbone est tout à fait comparable entre, d’une part, des pièces venant d’Asie et assemblées France et, d’autre part, des panneaux importés déjà assemblés.
- sur l’aspect emploi, nous sommes en train d’estimer les heures de travail France/Chine pour continuer d’avancer sur ce point. Notre hypothèse, à confirmer, est que l’assemblage des panneaux, très robotisé, pèse peu en terme d’heures de travail au regard de la totalité des heures passées pour réaliser un projet de parc solaire (études, montage…). De plus, en innovant avec nos poteaux en bois, nous avons rapatrié localement de l’emploi qui était jusqu’à présent au Portugal.
Cette innovation permet de répondre à certains enjeux climatiques notamment :
1. elle économise l’énergie nécessaire à l’extraction du minerai
2. elle économise le coût énergétique de la transformation qui n’existe pas. Seules des tronçonneuses ont été utilisées pour la coupe. Il n’y a aucune transformation ici, c’est le tronc qui est coupé puis installé à Carayac (pas d’écorçage, pas de sciage);
3. elle valorise une ressource locale, le chêne pubescent, coupée à 30 km de Carayac plutôt que de faire venir du Portugal des supports métalliques.
Quels ont été les obstacles ? Que conseillez vous aux collectifs voulant faire la même chose ?
Le principal obstacle est l’a priori négatif sur la tenue du bois brut dans le temps. Le projet est certes non conventionnel, nous n’avons pas l’habitude en France de travailler sur du bois non écorcé, ce qui créé certaines réticences. Toutefois, nous avons pris les conseils, négocié les garanties et réfléchi au prototype pour être confiant pour la suite.
Et si ce n’est pas une petite coopérative comme CéléWatt qui fait ça, qui le ferait ?
Y’a t-il eu des surcoûts avec cette solution ?
Mécojit a eu l’élégance de se lancer dans l’aventure à prix constant. Ils nous avaient déjà proposé un prix pour un deuxième parc au sol sur poteaux d’acier et nous ont confirmé le même prix pour le parc sur poteaux de bois brut.
Enfin, Quand est prévue la date de mise en service ?
On croise les doigts pour janvier 2021. Néanmoins, ENEDIS doit déplacer un transformateur et avec le contexte actuel, on ne sait pas s’ils vont réussir à tenir les délais.
Allez vous réitérer cette expérience ?
Pourquoi pas ! Mais déjà, CéléWatt doit voir si continuer la grappe est possible, trouver un terrain, un acheteur d’énergie… car oui, on ne le rappelle jamais assez, sans Enercoop, notre acheteur pour Brengues et Carayac, le projet CéléWatt n’est pas possible. Nous sommes hors obligation d’achat, hors complément de rémunération, c’est donc grâce aux tarifs de soutien que nous propose Enercoop que nous pouvons mener ces projets !
Merci Timothée pour toutes ces précieuses informations et bon courage pour la suite chez Céléwatt !