Interview de Bertrand Delpeuch et de Timothée Hervé membres de la coopérative Céléwatt.
Bonjour, est-ce que vous pouvez présenter la coopérative Céléwatt ?
CéléWatt est né il y a 2 ans sous forme associative à l’initiative de cinq habitants de la vallée du Célé (dans le Lot). Notre objectif : créer progressivement une grappe de parcs solaires dans les villages environnants. La première année, nous avons travaillé sur la faisabilité d’un premier parc, avec l’aide d’Enercoop et de Quercy Énergies, et sur son financement potentiel, en recueillant une centaine d’engagements de souscription. Cette première étape étant prometteuse, nous avons créé la coopérative du même nom, sous statut de société coopérative d’intérêt collectif (SCIC). Et le 30 juin prochain, nous inaugurerons notre premier parc 100 % citoyen à Brengues.
Aujourd’hui combien de sociétaires ont rejoint le projet ?
335 à ce jour, dont 63 mineurs ayant reçu des parts en cadeau de leurs parents ou grands-parents. La grande majorité sont des locaux ; nous avions en effet choisi de collecter nous-mêmes le capital social, sans recours à une plateforme nationale de crowdfunding. Plus de 95 % du capital est détenu par des coopérateurs individuels et 2 % par des collectivités locales qui ont pris symboliquement 5 ou 10 parts (1 part = 100 €).
CéléWatt est une jeune coopérative et le 7 avril dernier s’est déroulé votre première AG. La participation des sociétaires à l’AG a été forte, nous aimerions vous poser quelques questions.
Comment vous êtes vous réparti le travail d’organisation ?
Le défi était de combiner la rigueur formelle d’une AG de société commerciale, avec ses règles à suivre, et la convivialité souhaitée pour une assemblée « d’esprit militant ». Nous avons donc opté pour un « conducteur » très précis, répartissant les rôles en fonction des compétences des bénévoles du conseil d’administration, avant, pendant et même après l’AG. Dans ce type d’exercice collectif, il n’y a pas de précision inutile. « Rappeler les modalités de vote », « Penser aux rallonges », « Prévoir des bulletins de vote par couleur selon les collèges »… nous avons essayé de ne rien laisser au hasard côté organisation matérielle pour avoir l’esprit libre le jour J et être attentif aux questions et propos des sociétaires. Et surtout, nous avions en tête le conseil entendu lors d’une formation d’ECLR : on ne s’y prend jamais assez tôt pour organiser une AG !
Convocations, points à aborder,… les AG doivent respecter un certain formalisme. Comment vous êtes vous organisés pour le respecter ? Est-ce que certains points vous ont posé problème ?
Le plus simple en pareil cas, c’est de s’inspirer des bonnes pratiques existantes. Nous avons donc largement repris les modèles d’Enercoop Midi Pyrénées et leur sommes redevables d’une première AG réussie sans fausse note… sauf une, la comptabilisation des votes pour l’élection des administrateurs, justement un point pour lequel nos statuts différent des leurs. S’il est un point à bien assimiler collectivement avant une AG, c’est celui-ci ! Une relecture collective des statuts un mois avant l’AG n’est jamais du temps perdu.
En plus de ces points obligés avez vous abordé d’autres sujets ?
Nous avions organisé l’AG en trois temps : la partie formelle obligatoire, puis une discussion ouverte sur les perspectives et contraintes de prix d’achat pour développer d’autres parcs et enfin une visite de la parcelle du futur parc de Brengues.
Avez-vous uniquement utilisé des formats d’échanges en plénière ?
Pour cette première AG, oui. L’important était de s’approprier collectivement ce processus d’Assemblée Générale d’une société, nouveau pour beaucoup de participants.
Vous avez permis le vote en ligne. Quelle proportion de sociétaires votants a choisi ce mode de participation ?
Sur 319 sociétaires ayant alors droit de vote, 105 ont voté en ligne et 38 en séance (dont 9 par procuration). Au premier abord, voter en ligne peut paraître déshumanisant pour une coopérative citoyenne. Pourtant, c’est un bon moyen de faciliter la partie formelle de l’AG (et de s’assurer que le quorum est atteint), donc de libérer du temps pour les débats. La moitié des participants à l’AG avait d’ailleurs déjà voté en ligne ; l’un n’exclut donc pas l’autre, au contraire. Il faut par contre assurer la qualité des documents envoyés et soumis au vote, notamment le rapport de gestion, ainsi que celle des commentaires explicatifs sur chaque résolution.
Pouvez vous nous en dire un peu plus sur le logiciel utilisé pour ce vote en ligne ?
EUSurvey est un outil développé au départ par la Commission Européenne (d’où son nom) pour faciliter les consultations et enquêtes de satisfaction à l’initiative d’administrations européennes ou nationales. Le logiciel est maintenant accessible à tous sous la seule réserve de créer un compte d’administrateur. Les avantages sont multiples : gratuité, confidentialité (les données sont bien sûr soumises aux règles européennes, beaucoup plus strictes que celles des Google and co sous droit américain) et large gamme de paramétrages.
Est-ce que vous le conseilleriez à d’autres collectifs citoyens ?
Oui sans hésitation et en ajoutant quelques conseils : ne pas oublier de rappeler très clairement dans le formulaire de vote les éléments exigés par le code du commerce, par exemple qu’une abstention est considérée comme un vote hostile ; prévoir de clôturer les votes en ligne deux jours au moins avant l’AG pour avoir le temps de mettre au point le tableau qui intégrera les votes en ligne et ceux en séance ; indiquer clairement dans la convocation à l’AG que le lien pour voter viendra sur une adresse d’origine européenne (pour éviter que des sociétaires pensent qu’il s’agit d’un spam).
Avez-vous également des conseils concernant la dimension conviviale que devrait aussi revêtir toute AG ?
Nous avions hésité à conclure par un apéro puis préféré inciter à fréquenter les auberges du coin. Par contre, le café/croissant offert à l’arrivée a été apprécié des participants, qui ont pu se rencontrer et discuter en attendant le début de l’AG formelle, et des scrutateurs qui ont pu organiser (assez) tranquillement les émargements et distributions de bulletins de vote en séance.
Proposer à chacun de coller une étiquette avec son nom sur son vêtement est un moyen simple et peu couteux de mettre un visage sur un nom connu dans un fichier de sociétaires. C’est la possibilité de facilement nouer contact pendant les pauses…un des moments les plus importants d’une AG citoyenne !