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Retours d’expériences – Souscrire un emprunt bancaire pour financer son projet citoyen (2)

[vc_row][vc_column][vc_column_text][ultimate_heading main_heading= »Comment souscrire un emprunt auprès de la Banque Populaire du Sud ? » main_heading_color= »#38a573″ spacer= »line_only » spacer_position= »bottom » line_height= »1″ line_color= »#38a573″ main_heading_font_size= »desktop:25px; » main_heading_margin= »margin-bottom:10px; » sub_heading_style= »font-weight:bold; » sub_heading_font_size= »desktop:18px; » main_heading_style= »font-weight:bold; » line_width= »40″][/vc_column_text][vc_column_text]

Interview de Jean Quilleret, président de la SCIC « Ferme d’Escoums »

La coopérative Ferme d’Escoums est basée à Nyer dans les Pyrénées Orientales. C’est un projet de 2 bâtiments d’élevage et de stockage avec 388kWc de photovoltaïque installés sur les toitures. Le raccordement a été effectué en 2016 dans le cadre d’un contrat Obligation d’achat, obtenu sur appel d’offres du ministère de l’écologie (CRE 2). Depuis janvier, Enercoop achète l’électricité produite. Au total, le projet dénombre 180 sociétaires qui ont constitué des fonds propres de plus de 650 000 euros.

Dès le début du projet en 2014 l’idée était de compléter l’apport citoyen par un emprunt. Après de nombreux rebondissements, l’emprunt a finalement été obtenu en novembre 2017. Retour sur cette expérience.

 

Après tout, pourquoi souscrire un emprunt bancaire ?

En 2014 nous avions deux motivations, en 2017 il n’en reste qu’une !

L’opération que nous menons représente 1,3 million d’euros. En 2015, le recours à l’emprunt paraissait incontournable. Quand nous avons annoncé un objectif de collecte citoyenne de 500 000 €, cela paraissait fou à beaucoup de gens … y compris aux premiers coopérateurs ! Pourtant, 650 000 € ont été réunis en un an. Pendant ce temps plusieurs banques ont été sollicitées et des négociations avec la banque néerlandaise TRIODOS, spécialisée dans de gros projets ENR, débutèrent. En juillet 2016, alors que nous raccordions nos installations PV au réseau, l’emprunt négocié avec la banque TRIODOS ne pouvait être débloqué pour une sombre histoire d’attestation d’assurance de l’installateur momentanément non conforme. Nos coopérateurs ont alors remis 450 000 € à court terme pour payer tous les fournisseurs, dans l’attente du déblocage de l’emprunt. Fin 2016, nous avions donc un engagement citoyen de 1 100 000 €. Nous aurions donc pu facilement financer la totalité des 1 300 000 € d’investissement par l’engagement citoyen.

Pourtant, nous avons décidé de maintenir le recours à l’emprunt : si on peut faire en sorte que un peu de l’argent créé par l’emprunt bancaire finance la transition énergétique citoyenne plutôt qu’un gisement de pétrole offshore, pourquoi s’en priver ? Cela dégage ainsi de la monnaie citoyenne pour financer d’autres projets. Début 2017, des négociations avec la Banque Populaire du Sud sont donc entamées.

Pourquoi la Banque Populaire du Sud ?

Début 2017, nous avons refait un tour de la place bancaire française, en sachant que le « risque chantier » n’existait plus puisque les installations PV produisaient très correctement depuis 6 mois.

  • Triodos n’a pas pu et/ou su et/ou voulu s’adapter à l’évolution de la situation.
  • La plupart des autres banques ne se sont pas montrées intéressées ou n’ont simplement pas répondues du tout (une pratique très répandue dans ce milieu est de ne jamais répondre non, pour cela ne pas répondre du tout)! Les banquiers avec lesquels nous avons échangé sont interloqués par nos démarches coopératives citoyennes. Lorsque eux-mêmes sont très intéressés, ils arrivent difficilement à emporter le morceau auprès de leurs instances internes.

Malgré tout, nous avions d’autres propositions. Cependant, c’est avec les agents de terrain de la BPS que la confiance était au rendez-vous et ils ont su saisir la balle au bond cette fois-ci et mener le dossier en interne chez eux jusqu’au bout, alors que toutes les croix vertes sur l’écran de leur ordinateur ne pouvaient être cochées. Notamment la garantie (très exigeante) d’une opération ENR apportée par l’hypothèque en premier rang de biens mobiliers à hauteur de 75 % de l’investissement ET indépendant du projet. Cela a conduit à une simplicité dans les contrats avec un coût correct. Comprenne qui pourra, quelques mois auparavant, le président de cette même banque, m’affirmait que ces règles internes, les plus draconiennes de la place française, n’existaient pas…

De votre point de vue, quelles sont les facteurs clés de la réussite de la Ferme d’Escoums quant à l’emprunt ?

Réussite, oui au bout du compte …mais 3 ans de négociations et rebondissements, est-ce « normal » ? Cela doit interroger tous les acteurs de notre société.

Déblocage de l’emprunt et campagne de financement participatif citoyen étant étroitement lié dans notre cas, je dirais donc :

  • La puissance des coopérateurs : 650 000 + 450 000 €, ça « chatouille » toujours l’oreille d’un banquier …et ça les a surpris ! Et cette puissance rassure.
  • Considérer le banquier comme un de nos fournisseurs, en conséquence discuter d’égal à égal et laisser de côté notre complexe d’infériorité/supériorité…bon, il y a des jours où c’est dur,…

Ensuite, c’est comme un jeu d’échec et/ou de poker … mieux connaitre et comprendre les règles écrites mais aussi les codes non écrits du milieu, c’est important. Les besoins en formation sur ces sujets vis-à-vis des réseaux d’accompagnement comme ECLR sont importants !
Bien sûr, faire évoluer collectivement les règles écrites de chaque banque est aussi un chantier qui nous parait important, en s’appuyant sur nos dossiers réussis.

Et EPI (Energie Partagée Investissement), quelle place, quel rôle ?

Des bouts de bois et des panneaux solaires dans la même société coopérative citoyenne…c’était très compliqué pour nos banquiers, mais pour EPI aussi. Il a donc fallu un peu de temps pour qu’EPI nous rejoigne. Autre particularité, l’écart d’objectif de taux de rémunération des investissements citoyens : 4 % pour EPI minimum, plutôt 3 % maximum pour nous. EPI est donc arrivé au printemps 2016, juste avant la mise en service de nos installations, à un moment crucial où il fallait « mettre un coup de collier financier ». Ils ont donc participé de façon significative, à hauteur de 300 000 € environ à des conditions particulières pour nous, jusqu’à ce début d’année 2018. Ils restent coopérateurs avec 1 part de capital. Si convaincre EPI de la pertinence de notre montage fut un peu compliqué, ensuite, lorsqu’ils ont « adhéré », leur engagement fut et reste sans faille, tant d’un point de vue financier que d’un point de vue moral.

 

Modalités du prêt

La forme du prêt : La Ferme d’Escoums, pour des raisons juridiques, c’est en faite 2 sociétés, 2 SCIC SAS, une pour chaque bâtiment.

Le prêt BPS est de 350 000 € par société donc 700 000 euros au total, sur un budget d’environ 1,3 millions (bâtiment + solaire). C’est un prêt à 2,33 % sur 15 ans avec remboursement semestriel. L’argent est versé sur facture. Le Taux effectif global, prenant en compte les frais de dossier de 1500 euros au total, est de 2,439%. Les garanties : prise d’hypothèque sur les bâtiments à hauteur de 70 % du prêt et cession Dailly des futures factures à Enercoop dans le cadre des contrats de vente du courant en Obligation d’Achat

Ce retour d’expérience montre surtout que pour l’instant, en matière d’emprunt, il n’y a pas encore un interlocuteur sûr pour les projets citoyens. Les pratiques de chaque banque varient en fonction des agences locales. Le relationnel reste donc pour l’instant un facteur clé. Mais ne nous décourageons pas, de plus en plus de banques acceptent de suivre et nous avons confiance en votre pouvoir de persuasion ![/vc_column_text][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][/vc_column][/vc_row]

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